Elle était fluide mais le ciel s’obscurcissait, il devait rentrer.
LE NOYAU DE LA TERRE N’EST PAS CONSTITUE DE FER SOLIDE MAIS BEL ET BIEN D’UN CŒUR. ET CE CŒUR A BESOIN DE SENTIMENTS, D’AMOUR. MAIS AUSSI PARFOIS D’EROTISME. AINSI, TELLES DES IRRUPTIONS VOLCANIQUES IL EXISTE UN PHENOMENE PLUS RARE, LES IRRUPTIONS LUXURIEUSES.
Il sentit le creux de ses reins s’enflammer instantanément. Elle ouvrit les yeux, avec une lueur lascive à laquelle il est impossible de résister. Le dilemme est immense. D’un côté sa fonction l’oblige à quitter les lieux, mais d’un autre une pulsion intérieure, profonde, qui remonte à la nuit des temps, l’incite à la déshabiller. Le plus étrange c’est qu’il se sent extérieur à lui-même face à ce choix, il n’en est absolument plus maître. Les forces qui le tiraillent sont trop supérieures. Il n’est que le pantin d’une intrigue.
Autour d’eux tout le monde s’agite déjà. Les hommes courent la tête tordue dans toutes les directions, le pantalon en bas des pieds, tandis que les femmes arrachent leurs robes et leurs culottes pour se vautrer au sol les cuisses ouvertes.
Les animaux ne sont pas en reste puisque des odeurs d’accouplements répétés et violents commençaient à se mêler à l’ozone de l’air. On pouvait même distinguer, pour les nez les plus avertis, le parfum tellurique du sang qui perlait aux parties irritées.
L’ordre de la rituelle promenade dans la déchetterie avait tourné en quelques minutes en un fatras de corps et d’espèces les plus variées. Tableau saugrenu. Quand l’irruption luxurieuse pris fin, hommes et animaux levèrent la tête, comprirent ce qui s’était passé et se hâtèrent de retrouver leurs vêtements ou leur pelage respectif. Ils les ramassaient tête baissée, en évitant avec soin le regard d’autrui. La scène était impressionnante par son caractère solennelle, un grand silence couvrait la décharge. Des centaines d’êtres s’ébranlaient, comme un essaim d’abeille dont la multitude des membres ne forment plus qu’un. Mais désormais, chacun avait retrouvé sa bulle privée et s’interdisait de franchir celle de quiconque ou de quelque animal que ce soit.
Loyel adorait passer son temps dans sa salle de travail. Tout y était rangé à sa place, selon une logique qu’il avait mise en place lui-même. Ainsi, instinctivement, il pouvait retrouver le plus petit document, insignifiant en apparence, dans la plus grande masse d’information. Atteindre en un temps record une donnée précise, et par le plus petit nombre d’efforts, lui procurait un plaisir presque érotique.
Et cette efficacité allait lui être du plus grand secours, compte tenu de la complexité de la tâche à accomplir et du peu de temps dont il disposait afin de la mener à bien. On peut très bien comprendre alors l’intérêt qu’il portait à ce défi. Comment un tel travail allait lui permettre d’éprouver ses systèmes.
De retour chez elle, emplit de satisfaction et d’épuisement qu’elle ne comprenait pas, Blanchette restait le regard fixé sur les lanières flottantes, attachées au centre d’un petit ventilateur, incrusté dans le mur. Les fluctuations de la bande de plastique avaient une trajectoire à la fois régulière, car les mouvements étaient toujours des ondes sinusoïdales, mais constamment imprévisibles dans leur période par la nature aléatoire du souffle qui leur donnait vie. Et cette frénésie constante se répandait aux 4 murs car ils étaient tous percés, de haut en bas, de dizaines de ces petits ventilateurs asiatiques. Cependant aucun vent ne venait troubler la vie à l’intérieur. En effet la répartition des engins à hélice était d’une symétrie spatiale parfaite. Doté d’un système intelligent pour réguler les souffles, les déplacements d’air s’annulaient. D’où la perplexité de Blanchette face à cette décoration en perpétuelle répétition irrégulière. Elle venait de réaliser tout le dérisoire de cette installation, dans laquelle elle vivait depuis 9 ans. Etait-ce le bouleversement sexuel qu’elle venait de subir, la perte récente de son mari, ou tout simplement les deux à la fois qui lui redonnaient son libre arbitre, ses facultés de jugement vives ? Elle était chamboulée et réalisait enfin le niveau d’aliénation sociale dans lequel elle s’était enfermée. Par habitude, suivant l’exemple du plus grand nombre, et par paresse.
Elle faisait défiler devant ses yeux les images de son passé avec son mari lorsqu’elle….