Coline m’a inspiré

ZOUILLE

La gazelle se sent traquée, elle se réfugie entre des buissons où perlent quelques gouttes musquées. L’angoisse fait monter son rythme cardiaque et ses veines se remplissent d’adrénaline. Elle ne fait pas attention au doux parfum qui plane dans l’air. Ses fines oreilles se redressent, à l’affût du moindre bruit.

Le cougard a pris possession de la savane, les derniers oiseaux s’envolent au loin, leurs ailes font des mouvements saccadés. Les yeux du félin se rétrécissent, prêt à repérer le moindre souffle d’air. Ses narines s’élargissent et sélectionnent avidement les molécules en suspension. Sa tête pivote instantanément sur sa droite.
La gazelle ne supporte plus l’attente ni le silence, alors elle s’élance et soulève la terre sèche qui forme une fine fumée où ses sabots frappent le sol. Ses longues pattes fuselées se déplient avec agilité, elle rebondit en souplesse.

Le cougard, comme une ombre, bande ses muscles et jaillit. Il n’a plus besoin d’être furtif. Sa puissance s’exprime alors par des mouvements chaloupés. Les griffes de ses pattes grattent la terre et laissent de fins sillons. Son pelage s’hérisse le long de sa peau épaisse.
Les deux silhouettes animent la savane qui semble déserte. La gazelle fuit dans les herbes sèches qui lui frottent les flancs. Sous l’effet de surprise le cougard est distancé mais rapidement il revient à hauteur de sa proie.

Bientôt il va lancer ses lourdes pattes en avant qui s’abattront sur le dos de sa victime. Les griffes transperceront la chair tendre qui libérera un sang tiède. Elle trébuchera et s’effondrera.

La salive s’écoule déjà des babines du fauve. Il doit la ravaler immédiatement car la gazelle a fait une embardée qui l’a semé légèrement. Encore un effort et ses crocs pourront déchirer la peau de l’animal, le rouge se répandra sur le pelage sombre de son museau. Il sent de nouveau l’odeur de la sueur de sa proie, signe imminent de la capture.
Le cougard s’écroule.
La gazelle disparaît dans des fourrages.
La fumée soulevée par la chute retombe avec un silence pesant.
La savane est immobile.
La respiration du félin ralentit. Il aperçoit de gros nuages cotonneux accrochés dans le ciel, ils deviennent rouges. Ses yeux se remplissent de sang, puis sa gueule. Les nuages virent au noir, l’animal se détend. Une fine pointe est plantée dans son épaule. Les herbes alentour baignent maintenant dans le liquide ocre.
Le cougard ferme les yeux et laisse échapper un dernier souffle. C’est alors qu’une nouvelle silhouette sort de l’ombre d’un arbre. Petite et vive, elle se faufile entre les touffes végétales.
Elle se redresse en atteignant la bête inanimée et d’un geste rapide et précis arrache la pointe. Ce n’est pourtant qu’une petite fille noire aux cheveux tressés, mais son regard est celui d’un prédateur. Elle a perçu plus loin une présence parmi la végétation et se met sur le qui-vive.
La gazelle la regarde, elle a sortit sa tête d’un fourré. Une communication tacite s’établit. Le temps s’est arrêté.

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