Mais soudain il sentit un pic.
Très piquant. Il fut blessé dans son amour propre qu’il retourna, le maintenant aux épaules, et serra au cou. Il suffoqua. C’est à ce moment qu’il put se focaliser sur le pic piquant : la lance de son espadon empaillé. Il avait oublié jusqu’à son existence, malgré les bons moments passés ensemble. Il balaya la nostalgie d’un revers du front et le sortit de la fine boue qui l’avait à demi enseveli.
C’est là qu’il retrouva son livre rouge. Soussur l’espadon. Mais comment aurait-il pu retrouver un objet, accolé à un autre dont il n’avait plus le souvenir ? Il remercia la providence et tira l’ouvrage d’un coup sec.
Quelle drôle de sensation. Cet objet lui était tellement proche et éloigné à la fois, la scène lui parut irréelle. Les souvenirs étaient si nets, si brillants qu’il n’avait pas besoin d’ouvrir les yeux pour matérialiser le livre. Si bien qu’en le tenant dans la paume de sa main, sa main devenait un souvenir, et par extension lui aussi. Il était tiré hors de lui et le visage écrasé face à un miroir, dans le même instant.
Toutefois, à force de le tripoter, de le caresser, de l’observer sur toutes ses coutures, il lui rendit son aspect trivial et put se retrouver lui-même. Une dernière réminiscence de souvenir lui rappela alors le fonctionnement du livre rouge qui ne s’ouvrait pas par la tranche, mais par une grosse couture verticale sur la couverture. Il y enfonça la main.
Il faut en tirer le maximum, souffla-t-il à travers les gouttes de pluie qui lui tombaient du pommeau de la douche.
L’intérieur était noir, sec, inerte : du vide. C’est ce qu’il cherchait. Etrangement, il sentit aussi…