Vunion Lautrec, chapitre 11 [1011]

Les médecins miroirs sortaient de la chambre quand il lâcha un : « Tas de cons. »
Lui-même mit sa main sur sa bouche car il comprit l’erreur qu’il venait de faire. Je … non … oui … et puis merde, c’est moi qui ait dit ça. Je sais que c’est interdit mais ça m’a échappé. Vous faites tout pour qu’on en arrive là, et vous le savez très bien. C’est de la provocation. Vous en profitez car vous êtes intouchables, c’est facile. Si vous étiez si fort vous n’auriez pas besoin de cela. C’est un signe évident d’impuissance de votre part, vous jouez les malins dans votre petit monde mais si vous osiez sortir vous ne seriez plus rien, les gens vous riraient aux fesses et hurleraient parfois juste pour vous faire peur. J’ai grandi dans une salle à surréunion et je sais le mal que vous faites. Et tout ça par crainte des autres, par égoïsme et abus de pouvoir. Vous vous cachez, vous vous terrez même, ici, à l’abri dans votre bulle minuscule. Mais attention, j’ai une mission, ma fonction est de sauver une vie. Cela peut paraître ridicule, misérable, une vie dans le fourmillement terrestre. Cependant je ne vous laisserai pas m’empêcher de remplir mon contrat, de faire ce pour quoi j’ai été conçu. Car si une vie ne compte pas à vos yeux, aucune vie ne compte, et vous ne mériteriez pas d’exister. Je ne peux pas vous laisser considérer le monde ainsi, alors oui j’ai dit « tas de cons » mais vous allez me laisser gentiment sortir, sans faire d’histoire, je suis déterminé.

Les médecins miroirs, par inadvertance, se regardèrent. Ils avaient été touché en eux-mêmes et déboussolés, si bien que pendant une poussière de temps ils oublièrent leur condition. Leurs visions se superposèrent et se renvoyèrent à l’infini dans le reflet de leurs rétines. Cette mise en abyme subite de leurs âmes leur fit perdre la raison. Des touches de bleu, de blanc et d’un peu de vert pâle. Le mur était recouvert de matière plastique colorée.
Il pouvait sortir maintenant.
Cet accident lui avait ouvert les yeux. Mais pourquoi fallait-il toujours attendre que quelque chose se casse, qu’un évènement grave survienne, pour prendre conscience de l’importance de notre chance ? Pourquoi est-il toujours nécessaire de perdre quelque chose pour réaliser comme on y tenait ? Cette logique le rendait fou. Ne pas réussir à appréhender la valeur de ce qui nous entoure, la magie des instants hors de leur cristallisation en souvenirs étaient une des choses les plus frustrantes pour lui.
L’infirmière, qu’il venait d’arnaquer, devait aussi ressentir de la frustration, ainsi attachée dans un placard. Mais il lui était nécessaire d’avoir un fauteuil pour se déplacer à une vitesse intéressante.
D’ailleurs son nouvel état avait des avantages. Les places pour handicapés sont un lux en ville. Il put ainsi se garer juste à l’entrée du parc.

Admirable avait proclamée l’assemblée de proximité. Et tout le mérite lui en était revenu. Aucun assistant n’avait été remercié. Il faut dire que, très vite, tout le monde avait réalisé qui avait fourni le travail, qui s’était puissamment concentré, qui avait réfléchi, cogité, mindbraillné. Loyel répondait à toutes les questions avec une assurance, une rapidité et une précision folle ! Mais le plus éloquent restait l’expression sur les visages des assistants : perplexité très avancée. Leurs regards perdus trahissaient leur ignorance, chacun pouvait y lire : « mais de quoi ils parlent ? » « Je ne comprends pratiquement rien, voire rien. » « Ils inventent une nouvelle langue c’est ça ? Ils auraient pu me mettre au courant. »
Le plus pathétique était les regards qu’ils se lançaient entre eux, seul moyen de ne pas perdre pieds, de pouvoir se rattacher à une intelligence du même niveau que la leur. Tas d’imbéciles.
Loyel était épuisé, satisfait et désappointé en même temps. Un étrange état d’esprit habitait les circonvolutions de son cerveau encore chaud, prêt à affronter une autre réunion. Mais aussi vidé, énervé et frustré de ne pas avoir tout dit. Une bonne douche blanche et du repos, c’est tout ce dont j’ai besoin conclut Loyel.

Blanchette sortait de son cours de klégniole, apparemment satisfaite vu son sourire. Flell coupa directement sa trajectoire grâce à son fauteuil, pour l’intercepter. Très surprise et la tête encore dans la leçon d’aujourd’hui, elle faillit lui en mettre une. Il avait alors adopté la position de sécurité par réflexe de survie : les bras à plat dans le dos et les jambes repliées afin que les pieds touchent les omoplates. Mais elle se retint.

-Qu’est c’ qui m’a fichu un handicapé aussi maladroit !
-Mademoiselle, je dois vous empêcher de commettre un acte grave, désespéré et irrémédiable.
-Oui, j’imagine, c’est généralement comme ça que ça se passe.
-Non, vous ne comprenez pas, je suis sérieux.
-Mais je le suis aussi, alors dites moi de quoi il retourne.
-Je vous assure, je vous connais et j’ai une mission.
-Je le sais bien alors je vous écoute.
-Euh… d’accord, très bien. Je… j’ai … en fait je suis surpris.
-Je ne le suis pas, prenez mon exemple.
-Vous semblez épanouie et heureuse, alors que vous devez vous suicidez.
-Ah.
-Vous savez, no souçaillde, s’obligea-t-il à préciser.
-Très bien, je ferai attention lui assura-t-elle.
-Non, vraiment, c’est comme ça que ça se passera.
-Puisque je vous dis que je me méfierai de moi, que je me surveillerai.
-Je dois vous en empêchez.
-Mais c’est fait, vous avez accompli votre mission.
-Attendez, s’il vous plait.
-Monsieur, vous exabusez !
-Je suis navré, mais je ne permettrai pas !

Elle était déjà au bout de l’allée quand …

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